Un passionné
NAISSANCE D’UNE PASSION
Mis à Jour le : 23/11/2016, pour le quatrième paragraphe, en hommage à mon père, décédé ce jour...
(addendum & corrections du paragraphe le 26/11/16)
Pour ma part, cette passion est née timidement d’abord, vers 1998, mes origines « deux fois » méditerranéennes et caucasiennes m’ayant fait d’abord goûter des liqueurs plutôt que des eaux-de-vie, et des liqueurs fruitées, peu alcoolisées et très sucrées, parfumant les desserts, ou servies après le café. Puis ce fut l’apéritif national grec anisé, l’Ouzo (dénommé Raki ou Arak de l’autre côté de la méditerrannée) puis plus tard des digestifs grecs comme la Mastiha (une liqueur à base de résine de lantisque, un petit arbuste qu'on trouve en méditerrannée) ou d'autres, moins sucrés, comme le Tsipouro, une eau de vie proche d’un marc à la française, ainsi que quelques spiritueux français (les Calvados, Cognacs et Armagnacs) pour l'heure pas très âgés. Mes premières amours de breuvages mi-liquoreux mi-eaux-de-vie furent surtout des liqueurs comme la Bénédictine, avec sa recette secrète à base de 27 herbes & plantes ! Un bon préambule, somme toutes, étant donnée la complexité de ce spiritueux. Bien entendu je constate encore régulièrement aujourd’hui l’utilité d’une initiation ponctuelle au vin, conduite par mon frère aîné, un très fin palais. Donc rien ne me destinait, il y a une quinzaine d'années, à cette passion du whisky, qui pour moi avait alors l’image (encore courante aujourd’hui) du tord-boyau (traduire mauvais blend) à goût de métal tout juste bon, pardonnez moi, à agrémenter du coca-cola (alors qu’avec du rhum c’est bien meilleur !) ou des cocktails…
Ma première vraie dégustation de blended-whiskies d’abord (*voir plus loin), puis de single-malts, survint ensuite, vers l’an 2000, par l’intermédiaire d’un ami américain et artiste dont j’ignorai jusqu’alors les origines écossaises. Cette première véritable dégustation, m’a permis de voir le whisky autrement, et de commencer à en saisir la subtilité, en constatant que le whisky était (semble t’il) un alcool autrement plus complexe que n’importe quel spiritueux.
L'auteur, en plein "nosing", phase d'appréhension du whisky par le nez, qui représente 80 % du goût (Photo : © Constantin Sarafian)
Puis ce furent mes premiers achats de single-malt, plutôt intuitifs, ou avec juste l’aide d’un guide de dégustation : Il me faut rendre hommage là au livre « WHISKY, Le guide » de James DARWEN, paru en 1995, et dont les notes de dégustation au vocabulaire truffé d’humour, de comparaisons savoureuses et imagées, ont à mon sens davantage fait pour me faire découvrir le whisky que tous les livres techniques sur le sujet réunis !-au début, s'entend. Le whisky The GLENLIVET 12 ans, de la région du Speyside, en Ecosse, fut ainsi mon premier SINGLE MALT dégusté, enfin avec plaisir, puis, en douceur, je découvris les bienfaits des îles, progressivement, grâce à ces deux perles des îles Orcades (ou Orkney Islands si vous préférez !) que sont le HIGHLAND PARK (en 12 ans pour commencer), colosse omni-aromatique comme dirait le spécialiste de whisky Michael JACKSON (ne pas confondre…), mais aussi le mésestimé SCAPA alors accessible presque partout en version de 12 ans d'âge, sans oublier les classiques mais efficaces GLENFIDDICH 12 ans et ABERLOUR 10 ans.
*A noter, parmi les premiers blended whiskies dégustés, une marque rare en France, le Grand OLD PARR 12 ans, un blend écossais réputé (je l'ai appris par la suite). L'on avait offert cette bouteille à mon père depuis longtemps, semble t'il, et elle me faisait une impression bizarre à la dégustation. Je n'ai jamais su si ce whisky était "passé" (dégradé) ou si c'était son goût naturel, tant il m'apparaissait comme étrange.... La bouteille était régulièrement disponible en apéritif durant les repas familiaux, mais avait peu d'amateurs. Avec ses notes un rien métalliques, terreuses et légèrement fumées, ainsi qu'un boisé très spécial et assez prononcé, il se distinguait vraiment des rares whiskies que j'avais dégustés jusqu'ici. Mon père aimait beaucoup ce whisky, durant le temps bien sûr ou il pouvait déguster des alcools forts, ce qui n'a pas duré (et puis il lui préférait le Raki, qui lui rappelait le Liban ou il vécu sa jeunesse). Je n'ai pas eu vraiment beaucoup d'occasions de re-déguster personnellement cette référence depuis (une seule fois en fait, il y a environ 10 ans-il était bien meilleur !) et la bouteille familiale, avec ses étranges facettes, est finie depuis longtemps, mais je compte bien y revenir un jour...
Par ailleurs, côté blended whiskies, c'est surtout le BALLANTINE'S "Finest" qui m'accompagne depuis les premiers jours, pour le meilleur ou pour le pire (certains lots étant beaucoup trop marqués par le grain et le caramel ajouté, d'autres étant vraiment parfaits, la quintessence du blend écossais en quelques sorte). A l'époque aussi, les JOHNNIE WALKER "Red Label" et "Black Label" 12 ans étaient incontournables, également, ainsi que les CHIVAS REGAL 12 & 18 ans d'âge. Je découvris également avec délectation le "Pure Malt" (un blended malt) de BALLANTINE'S. C'est donc très modestement aussi que mon envie de collectionner le whisky a débuté, avec juste deux ou trois bouteilles, un ou deux blended-whiskies et deux single-malts.
Le Grand OLD PARR 12 ans, un blended whisky courant outre-manche (et très populaire au Japon depuis plus de 100 ans !), mais rare chez nous...Créé en 1871, c'est en quelque sorte un monument historique en hommage au personnage nommé Thomas PARR décrit par le poète John TAYLOR en 1965, un homme qui aurait vécu 152 ans...! Un excellent argument de marketing pour évoquer la longévité de ce whisky. Plus sérieusement, le coeur de ce whisky assez complexe est encore de nos jours le single malt CRAGGANMORE.
L’ILE FANTASTIQUE
Enfin et surtout, c’est grâce à mon premier voyage en Ecosse, en 2002, suite au gain du séjour par tirage au sort, en achetant un « pure-malt » de qualité très moyenne (un GLEN VEGAN 12 ans-un blended malt anonyme contenant du GLENMORANGIE, ce que j'appris plus tard), coffret qui incluait l’offre de participer au tirage au sort, que j’ai pu approcher de plus près l’univers du whisky. En effet, le temps d’un long et riche week end dans les Highlands du Nord, près de la distillerie de GLENMORANGIE, dans la propriété du groupe Mc Donald & Muir qui possédait à l’époque la distillerie, j’ai pu parcourir un magnifique domaine, allant de la Cadboll House (une maison plus proche de la pension de luxe familiale que d’un hôtel impersonnel) jusqu'à la mer, ou plutôt à un Fjord donnant sur la Mer du Nord, en passant par le petit village de Tain.
Je fus touché par l’accueil très chaleureux qui me fut réservé par le personnel de la maison (en premier lieu les époux McKENZIE-SMITH-qui s'occupent maintenant du projet de distillerie LINDORES Abbey-sur le site de la première distillerie écossaise supposée remontée jusqu'en 1494), mais aussi par celui des habitants de la petite ville de Tain, non loin de la distillerie, celui de la distillerie elle-même, avec ses hauts alambics d’une élégance rare, et aussi le moment toujours magique d'être accueilli dans ses chais à l’ancienne près de la mer. Ce qui acheva de me convaincre de l’intérêt du whisky, et du single-malt en particulier.
Graham Eunson, un des responsables de la distillerie, à l'époque (aujourd'hui il dirige la distillerie TOMATIN), nous fit une dégustation en règle et dûment commentée (dégustation verticale et horizontale) des GLENMORANGIE courants (10 ans, 18 ans, les 3 premiers affinages du 10 ans), ainsi que des autres Single-Malts que possèdait le groupe Glenmorangie Plc à l'époque (GLEN MORAY en 12 et 16 ans, et en dernier lieu ARDBEG 10 ans).
Les alambics de la distillerie Glenmorangie, les plus hauts d'Ecosse (Photo: © Grégoire Sarafian)
Par la suite, le dernier jour, j’eus la chance de déguster un sublime millésime « 1978 » (il me semble qu’il s’agissait d’un 20 ans d’âge, de couleur or, élevé probablement en fûts de Bourbon, peut être un affinage en fûts de Tain L’Hermitage ?), dans mon souvenir hélas trop flou, en tout cas un single-malt d’un riche fruité et d’un beau boisé, très bien équilibré. Dîner et déguster le traditionnel haggis (panse de brebis farcie) apporté sur la table par un écossais en kilt, au son de la cornemuse, ou participer à un ceilidh (soirée de danse et musique traditionnelle écossaise, l'équivalent d'une petite fest-noz bretonne) ou encore respirer le contenu d'une cuve de brassage de l'orge maltée autant d'événements inoubliables. Ce fut donc une expérience fort enrichissante malgré mon caractère novice à l’époque. Je ne pus certes en distinguer toutes les nuances, ni surtout apprécier mon premier whisky originaire de l'île d'ISLAY, région d'Ecosse réputée pour ses whiskies très typés, tourbés, marins et fumés : Tremper mes lèvres dans un verre d’ARDBEG pour la première fois fut ainsi une des choses les plus désagréables de ma vie ! Je n’y étais pas préparé. Un whisky domestiqué quelques années après...Bien entendu aujourd’hui, il en va tout autrement – voir mes impressions au chapitre des notes de dégustations – et j’ai mis 4 ans à l’apprécier !
Un des dessins (env. 21 x 30 cm) faits au feutre-pinceau d'après croquis sur le motif, 2002. Photo © Grégoire Sarafian
Ce voyage me fit tomber amoureux tant de l’Ecosse et de ses paysages, que du whisky de cette région ou des personnes qui le fabriquent ou le promeuvent, lorsque cela est fait, comme c’était le cas en l’occurrence, avec passion, engagement et un sens unique de l’accueil.
Deux photos de la distillerie puis du domaine de Glenmorangie, Tain (Photo : Grégoire Sarafian ©)
SCOTLAND THE BRAVE
Enfin, depuis quelques années, j’ai appris beaucoup, grâce à la première manifestation d’envergure consacrée au Whisky en France, à savoir le Salon du Whisky, dit « Whisky Live », organisée depuis 2003 par la récente version française de « WHISKY MAGAZINE » et par La Maison Du Whisky (maison qui est propriétaire de la version française du journal). Ce Salon, découvert par votre serviteur en 2004, regroupe à cette unique occasion annuelle plus de 50 distilleries d’un grand nombre de pays du monde, ainsi que quelques sociétés de négoce, accueille le public grâce à de nombreux professionnels du whisky dans de nombreux stands, pour organiser tant des dégustations (souvent verticales), que des conférences ou séminaires, avec toute la verve, le charme (et souvent en kilt !), et l’expérience des hommes et des femmes qui font le whisky, en vrais passionnés qui savent là communiquer au public. Le public est composé en grande partie de connaisseurs, mais est aussi ouvert aux nouveaux venus. Comme je le dis par ailleurs (voir à "Références" et "Invités") ce salon fut aussi déterminant par ma rencontre avec John Glaser de la société artisanale de négoce et d'assemblage COMPASS BOX, que je n'ai osé aborder qu'en 2005.
Grâce à lui, mon intérêt pour les assemblages a été renforcé, et, après lui avoir fait déguster un de mes assemblages-maison en 2006, il m'a fait l'honneur de m'inviter à assembler des whiskies avec lui, pour m'exercer, dans son labo-atelier près de Londres, en 2007. Les assemblages, qui servent autant pour élaborer des blended-whiskies, des blended-malts, voire des blended-grains comme des single-malts (eh oui, car en dehors des éditions forcément limitées que sont les single-casks), sont presque tous un exercice obligé pour les élaborer. Il sont malheureusement encore trop regardés de haut par une certaine clientèle, qui ne jure que par les single-malts, alors qu'ils ont contribué à faire survivre nombre de distilleries de malt.
John Glaser, de Compass Box, et votre serviteur, à Chiswick (banlieue de Londres, siège de la société) en 2007, avant une séance d'assemblage privée. Photo © Grégoire Sarafian
Puis j'ai découvert d'autres salons du whisky, comme le seul salon gratuit en France, celui de la cave-épicerie Nicolas Julhès, qui a lieu deux fois par an, et d'autres dégustations organisées par des cavistes, des clubs ou des particuliers, en France et à l'étranger.
Mon goût s’est également formé grâce à la lecture de publications sur le whisky, publications hélas encore trop peu nombreuses en France, mais parfois très pointues, et aussi, ces dernières années, grâce à la prolifération, si j’ose dire, des sites web spécialisés sur le sujet, avec forum ou non. Le public peut ainsi y poser des questions générales, demander conseil sur telle ou telle bouteille, et au-delà . Il peut également s’informer grâce à des cavistes, spécialisés ou non, qui de plus en plus tentent de s’impliquer davantage dans ce produit considéré encore trop souvent comme étant de luxe et encore trop méconnu du public, à savoir le single–malt.
Une photo d'ambiance du salon "Whisky Live Paris", l'année 2009 (Photo: Grégoire Sarafian ©)
Enfin « last but not least », personnellement, mon goût s’est également formé grâce à mon ami anglo-écossais Hugh, grand collectionneur de whisky et de surcroît à demi-écossais. Sa collection est riche de plusieurs centaines de bouteilles, certes, mais ce n’est pas le nombre qui en fait à lui seul l’intérêt, car il existe beaucoup de collections comptant davantage de bouteilles mais pas nécessairement aussi bien pensées, aussi pertinemment rassemblées que celle de Hugh. Non, c'est plutôt sa manière de raconter chaque whisky, chaque moment épique lié à cela, mais aussi au delà , son sens du partage et son expérience, dans ce domaine comme dans d'autres, sans parler de son intérêt pour l'art. Cet ami qui fut un conseiller précieux pour mon projet de livre, et maintenant pour le site, prêtant volontiers ses notes ou sa documentation technique, sa pondération comme son enthousiasme, non sans une dose homéopathique d’humour hors pair « typically british » (ah, l’accent !) qui fait tout le charme du personnage. Aussi ne vous étonnez pas de trouver ici des allusions à l’une ou à l’autre de nos dégustations mémorables, là à des interviews ou points de vue sur telle ou telle question, et enfin parfois des remarques dans le corps même des notes de dégustation, lorsqu’elles sont réalisées chez lui, en Normandie. Hugh se plaît à partager régulièrement quelques fleurons de sa collection avec des amis, et à guetter telle ou telle nouveauté qu’il (est ce possible ?) ne connaîtrait pas encore.
C’est un connaisseur très organisé, et de plus, ayant travaillé longtemps dans l’informatique, il est à même de stocker des données concernant sa collection, les classer, et les mettre à jour de manière très sophistiquée et rigoureuse, reprenant pour chaque whisky l’histoire de la distillerie ou du groupe le produisant, ses caractéristiques, le meilleur moment pour le déguster, des suggestions d’accompagnement culinaire, et j’en passe.... Un travail minutieux pour lequel je le remercie ici tout particulièrement de m’avoir laissé le consulter, et le cas échéant, reprendre des notes pour ce livre. Thanks a lot ! (voir son interview à venir).